Le rap Marseillais prend-il trop de place?

Crédit photo : Clip d’Alonzo « La Seleção »

Le rap Marseillais prend-il trop de place?

Souvenez-vous. Début janvier, nous sortions un article sur les plus gros chiffres que le rap français avait réalisé tout au long de 2021. Nous retrouvons dans ces différents tops, entre autres, Soso Maness, Naps ou encore SCH. Parallèlement, Jul explosait de nouveaux records et participait grandement à la création du Classico Organisé, sorti en novembre de la même année (un an après le 13’Organisé). De beaux projets qui ont une nouvelle fois permis de mettre cette belle brochette de Marseillais sur le devant de la scène.

Un rap qui semble ne pas plaire à tout le monde

Vous en avez peut-être entendu parlé dernièrement, Benjamin Epps, étoile montante du rap francophone, s’est exprimé en interview sur son ressenti face au rap Marseillais.

«Ces mecs-là, je ne les écoute pas, leur musique ne me parle pas. Pour être tout à fait franc, je n’aime pas trop ce qu’ils font. […] ce sont ces mecs là que tu vois et que tu entends (télé et radio). Donc à la toute fin, c’est eux qui font l’actualité, c’est eux qui font les plus grosses ventes […]».

Des paroles franches et sincères à l’image du rappeur, qui ont fait parler sur les réseaux, notamment Twitter. “Benjamin Epps qui tacle les rappeurs médiocres de Marseille, c’est excellent.” Ces remarques des artistes et des auditeurs sont-elles légitimes?

Le rap Marseillais, c’est pas nouveau

Flash-back. A l’époque où les premiers piliers du rap français se font connaître à Paris et alentours au milieu des années 90, (Lunatic, NTM…) d’autres artistes font déjà partie du paysage hip-hop depuis quelques années à Marseille. IAM, groupe mythique, s’apprête à sortir “L’École du Micro d’Argent”, leur troisième album. Celui-ci s’écoula à 100.000 exemplaires le premier jour, vendu aujourd’hui à plus d’1,6 millions d’exemplaires. Parallèlement, la France découvre de nouvelles têtes Marseillaises au sein de la Fonky Family, notamment le Rat Luciano ou Sat l’Artificier. Quelques années plus tard, les Psy 4 de la Rime débarquent à leur tour, avec des membres comme Soprano ou Alonzo toujours très actifs aujourd’hui.

Des artistes qui s’adaptent aux nouvelles attentes

Depuis le début des années 2000, le hip-hop et le rap se sont largement démocratisés. De plus en plus d’artistes font leur apparition partout en France, et de nouveaux sous-genres du rap occupent les charts et les tendances. Plus besoin de venir de Paris ou de Marseille pour pouvoir s’y mettre. Les sujets traités dans les chansons évoluent aussi, et les consommateurs du genre n’ont plus envie d’entendre constamment des textes moralisateurs, engagés ou dénonciateurs. Certains artistes lient le rap à des sonorités dansantes, parfois aux allures techno, zumba ou électro, qui font naturellement bouger la tête et vous donnent envie de danser. Les thèmes abordés sont plus légers et facilement compréhensibles pour un public de plus en plus jeune.

Aujourd’hui, le rap est le genre musical préféré des jeunes, devant la pop, l’électro et la variété.

Pourquoi à Marseille, ça marche si bien?

Les artistes Marseillais semblent avoir compris tout cela depuis des années déjà. Prenons Jul comme exemple. Souvent décrié pour certains de ses textes pauvres lyricalement ou pour ses instrumentales redondantes, l’artiste n’hésite pas à aborder des thèmes qui parlent à tout le monde. Les fêtes, la famille, les amis, l’amour, les problèmes de la vie quotidienne, le tout sur des musiques dansantes en entêtantes. Naps l’a très bien compris aussi, et applique cette formule magique depuis quelques années qui lui permet d’être souvent en tête des charts pendant plusieurs semaines. De plus, les collaborations entre ces différents artistes sont très fréquentes, et font parler et vendre.

Finalement, que faut-il penser de ce nouvel essor?

Le rap, en plus d’être une passion ou un art, est aussi un business, autant pour les artistes que pour les labels, radios et autres médias. Il ne faut donc pas s’étonner de voir et entendre de plus en plus ce qui marche auprès des auditeurs. Il semble évident que les artistes Marseillais sont très présents sur la scène musicale française, et ils le sont car une majorité de consommateurs écoutent, streament, et en redemandent toujours plus. N’oublions pas que la musique reste subjective. Ceux qui ne trouvent pas leur bonheur dans ce genre musical peuvent très bien se diriger vers les nombreux autres artistes qui performent dans des genres différents, tout en respectant les opinions et goûts de chacun.